« Asie du Sud-Est – Les implications de l’épidémie de dengue », Lettre confidentielle Asie21, N°115, mars 2018.

Conséquence du changement climatique, le dérèglement dans l’alternance saison sèche/saison des pluies en Asie du Sud-Est provoque depuis une dizaine d’années une prolifération sans précédent des insectes vecteurs de maladies, et en particulier de la dengue. Les implications sanitaires, économiques, politiques, et même stratégiques de ce fléau sont immenses.

Faits

Les aléas des précipitations, et notamment les épisodes de sécheresse suivis par des pluies diluviennes, favorisent la multiplication des gîtes larvaires pour les moustiques. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS),  l’incidence mondiale de la dengue (Dengue Fever, DF), a progressé de manière spectaculaire au cours des dernières décennies avec 390 millions de nouveaux cas de contamination et 25 000 morts annuellement (cf. Encadré 1).  Désormais, près de la moitié de la population mondiale est exposée au risque. Les régions du Pacifique occidental et de l’Asie du Sud-Est sont les plus touchées et la maladie y est endémique.

Dans un entretien avec Asie 21, le docteur Agnès Gerasmo[1] qui, au cours de sa carrière, a traité des milliers de patients souffrant de la dengue, dans la province d’Ilo Ilo sur l’île de Panay aux Philippines, souligne, que la dengue hémorragique et la dengue avec syndrome de choc sont malheureusement très fréquentes sur l’archipel. Les enfants en sont les premières victimes. Si l’on enregistre tobre, désormais la maladie apparaît fréquemment pendant les autres mois de l’année.

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’est également impliquée dans la lutte contre le fléau que constitue la dengue[2], qui progressivement se propage à la fois vers le Nord et le Sud (cf. Encadré 2).

Enjeux

L’épidémie de dengue en Asie du Sud-Est crée un environnement de plus en plus contraignant pour les populations concernées – tous les domaines : sanitaire, social, économique, politique et même stratégique, les capacités opérationnelles des forces armées étant également affectées. Les systèmes de santé et les réseaux d’établissements de soins sont sous-équipés pour faire face à un afflux massif de patients en période de pic de la maladie. Les transfusions sanguines parfois nécessaires, en cas de forme sévère de la maladie, se heurtent aux pénuries de sang, notamment dans les campagnes.

S’agissant de la prévention, des efforts immenses restent à faire (cf. Encadré 3). Quant à la démoustication des régions toujours aisée à réaliser, que ce soit en milieu urbain avec une forte densité de population ou en milieu rural à proximité de rizières, de  zones forestières, d’étendues d’eau, de marécages ou de cours d’eau.

En matière de traitement, la commercialisation par la multinationale française Sanofi Pasteur du vaccin Dengvaxia contre la dengue avait suscité un immense espoir dans l’éradication de la maladie dans les pays les plus toire concernant 830 000 écoliers et d’un coût de 55 millions €. Sanofi a reconnu par la suite qu’il s’avère que le vaccin Dengvaxia peut provoquer la maladie chez un individu qui n’a jamais été infecté par le virus avant d’être vacciné (cf. Encadré 4).

Commentaires prospectifs

En 2080, deux milliards de personnes de plus pourraient être contaminées par le virus notamment dans les régions tropicales et subtropicales avec une prédilection pour les zones urbaines et semi-urbaines. L’OMS s’est fixé pour objectif de réduire les taux de mortalité et de morbidité liés à la dengue, respectivement de 50% et de 25 %, avant 2020, développant un plan d’éradication du virus pour la région Asie-Pacifique[3], car 70% des cas de contamination surgissent en Asie.

La propagation de la dengue continuera d’avoir des conséquences dans toire métropolitain.

Si les avancées dans le domaine de la génétique permettent d’entrevoir des solutions conduisant à la destruction des vecteurs de la maladie, la perspective d’une éradication définitive des moustiques dans les zones infestées pose à son tout un maillon de la chaîne alimentaire.

Encadré 1 : Caractéristiques de la dengue

La maladie est transmise par les moustiques Aedes[4] pendant la journée, à la différence du paludisme transmis par les moustiques Anofeles actifs au moment du crépuscule. La dengue est une maladie ré-émergente notamment sous ses formes les plus virulentes. La dengue hémorragique (Dengue Hemorrhagic Fever, DHF), qui se traduit par un effondrement du taux de plaquettes dans le sang et de la pression artérielle et peut évoluer en dengue avec syndrome de choc (Dengue Shock Syndrome, DSS), est potentiellement mortelle[5].

Encadré 2 : Quelques statistiques de l’épidémie de dengue

Un foyer du virus s’est déclaré à Taïwan en 2015 avec 40 000 personnes infectées et 209 morts. Récemment, Macao et Hong Kong ont confirmé l’apparition de centaines de cas. Il en est de même dans les provinces de Guangdong et du Yunnan. La Corée du Sud est également toutefois 732 morts.

L’Australie enregistre de plus en plus de cas sur son territorités australiennes ont dénoncé les carences dans la prévention et le dépistage sur l’île indonésienne et se mobilisent pour trouver des solutions.

Encadré 3 : Le programme australien d’éradication de la dengue

Pour sa part, en 2011, l’Australie a pris l’initiative de lancer un vaste programme de recherche à visée mondiale intitulé World Mosquiando, où un foyer de dengue a été éradiqué grâce à la stérilisation des moustiques par le biais de cette même bactérie.

Encadré 4 : Les conséquences de l’échec de la campagne de vaccination aux Philippines

Les manifestations massives dénonçant la corruption des autorités philippines. Pendant ce temps, le sort de plusieurs centaines de milliers d’enfants vaccinés reste en suspens. A la suite de cette tragédie, les pays qui ont acheté le vaccin se trouvent désormais confrontés à la nécessité de revoir leur stratégie de lutte contre l’épidémie.

Notes:

[1] Entretien avec l’auteure, 7 février 2018.

[2] « Action Against Dengue”, publication conjointe de l’OMS et de l’ASEAN, 2010. http://www.wpro.who.int/emerging_diseases/documents/ActionAgainstDengue.pdf.pdf?ua=1

[3] “The Dengue Strategic Plan for the Asia Pacific Region 2008-2015”, World Health Organization (WHO). http://www.wpro.who.int/mvp/Dengue_Strategic_Plan.pdf?ua=1

[4] « Changement climatique et santé », OMS, Aide-mémoire N°266, juin 2016.

http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs266/fr/

[5] Chaque année près de 500 000 personnes contractent la forme hémorragique de la maladie.

[6] Site Internet du programme: http://www.eliminatedengue.com/program

[7] « Vaccin contre la dengue : Sanofi va rembourser à Manille les doses inutilisées », Radio France International, 15 janvier 2018. http://www.europe1.fr/sante/vaccin-contre-la-dengue-sanofi-va-rembourser-a-manille-les-doses-inutilisees-3546596

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